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Carte postale imaginaire d'un ailleurs pas si lointain


Souhaitant que tu soies bien arrivé en été, je t’écris une carte d’ici.
Qu’il est compliqué de programmer l’été ! Faut-il attendre que tout aille bien pour partir ? Faut-il écrire les cartes postales avant, pendant ou après les vacances ? Et les vacances sont-elles faites pour ne pas se poser trop de questions ?
L’odeur de fumée a déjà eu le temps de faire son tour du monde, elle.
Il est espéré bien fort que les courants marins soient orientés dans la bonne direction et que le moins possible de cadavres aient le mauvais goût de s’échouer sur les plages. Quelles plages d’ailleurs ?
A l’abri des vents porteurs d’effluves nucléaires nous ne sommes pas non plus. Quels effluves d’ailleurs ?
Cocktail exquis ici. Comment se sentir mieux !
Comment je me sens te demandes- tu peut-être ? Je ne sais plus. Concernée, cernée par les cons ou un peu des deux, un peu con et un peu cernée ? Ce doit être la déconne, déconnexion, pardon ! Tu vois les effets des vacances se font déjà sentir.
Vacances, liberté de ne pas se poser trop de questions ou bien temps de l’introspection ?
Apaisé te sens-tu ?
Culpabilisé te sens-tu ?
Dans l’attente, mais le temps passe si vite, que l’introspection générale d’avant vote arrive avec finalement les mêmes questions, que l’on se posera ou pas, librement bien sûr.
Apaisé te sens-tu ?
Culpabilisé te sens-tu ?
Solennellement.
Je prends le temps de relire la définition de la solennité ; il y a un rappel incitatif à la prudence quant à une possible affectation. Cela me fait penser au risque de rire pendant certaines cérémonies. Mais je m’égare.
Reste l’essentiel à te souhaiter, chacun s’accorde à cela ou presque, une bonne santé.
Donc avant tout bonne chance.
N’abuse pas trop de dérision quand même, il ne faudrait pas ébrécher le beau linge ou déteindre la belle vaisselle, l’image tu vois ? Celle qui peut encore servir. Celle qui donne confiance. La carte postale paradisiaque sur laquelle embrasser le monde.
A très vite,

Isabelle GUIOT

PS : Dérision : un potentiel délit semble-t-il et nous pourrions tous nous y faire prendre comme par la marée. Mais de qui ou de quoi se moque-t-on ?



Apnée sur image


Le peu d’éclairage vient de l’arrière, de l’intérieur. L’entrée du magasin est nimbée d’orangé grisâtre et d’une fumée blafarde. Les formes humaines sont d’un anthracite qui voudrait aller vers le noir.

Je vois d’abord le poids des bouteilles démesurément grandes, sur le point de tomber. Peut-être des sodas, aucune certitude.

Je vois cette silhouette, petite, les bras chargés de boissons à la sortie d’un grand magasin de centre-ville. Une allure de grâce et d’emprunt dans la façon de croiser les bras autour des bouteilles. Une clarté se porte brièvement sur des traits de poupon. A peine un reflet de regard. Un âge d’enfance avec certitude. Les épaules semblent rapetissées, fondues. Les pieds s’enfoncent dans le sol. Elle n’avance plus. Le souffle est retenu, le regard braqué sur les deux grandes silhouettes projetées dans un élan vers elle.

Par le surgissement de cette vision, les deux grandes silhouettes sont stoppées. Leurs yeux, que je ne vois pas, sont exorbités comme dans un dessin animé sauf que le dessin n’est plus animé. Leurs visages sont interdits. Comment puis-je le savoir ? Je pense voir à travers l’image. Je ne vois que leurs dos larges porteurs de protection qui débordent leurs épaules. Et pourtant comme un affaissement. Leurs jambes restent scellées au sol, le mouvement en cours est arrêté. Leurs respirations sont suspendues.

Déflagration silencieuse qui crée une onde, de silence. Le son est comme coupé, le vacarme assourdi. Pas même un commentaire sur l’image. Le caméraman reste invisible. Il ou elle a saisi l’instant, à moins que ce ne soit l’inverse. La petitesse de la silhouette déchire le film pour extraire une seule image et fige la scène. L’instant, incongru. L’instant et les silhouettes.

Aucune suite immédiate n’est possible. C’est le temps de l’immixtion de l’image dans les cerveaux. Pour la petite, comme pour les grandes silhouettes. C’est trop tard pour le retour arrière.

Il n’y a pas d’autres informations. Il n’y a pas de suite. Les deux grandes silhouettes ont nécessairement dû extirper la petite silhouette de ce lieu. Comme une erreur de montage, une superposition d’image se produit vite avec cette jeune cordonnière les larmes aux yeux dans un autre centre-ville. Les personnages, réels, sont depuis rentrés chez eux. J’ai eu l’impression que l’on allait me dire de reprendre une activité normale.

Isabelle GUIOT

PS : Homuncio, gavroche, kid, à moins que ce ne soit une fille, ce qu’il m’a semblé, graffiti vivant errant dans une série. Deux secondes d’images qui te plongent en apnée pour un temps long.